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4 septembre 2010

Le retour des architectes

 

Le retour des architectes

La profusion de la Belle Epoque relève parfois de l’excès et l’Exposition Universelle qui se tint en 1900 dans la capitale ne fait qu’ajouter à cette complexité. Cette manifestation ne consacre – t – elle pas, notamment le retour des beaux arts tout en marquant l’avènement quasi officiel du béton armé ? François Hennebique voit en effet triompher son système, non seulement au Grand Palais comme au Petit Palais, mais aussi à des fins aussi spectaculaires que provisoires, pour l’immense château d’eau conçu par Edmond Paulin devant le Palais de l’Electricité, tandis qu’Edmond Coignet met ses calculs au service du globe céleste (le Cosmorama) d’Albert Galeron. Avec le Pavillon Schneider et son projet de « globe Elysée Reclus », Louis Bonnier propose pour sa part deux chefs d’œuvre de l’architecture métallique, tandis qu’Hector Guimard débute ses études pour les édicules du chemin de fer métropolitain, dont la première ligne est mise en service en juillet 1900 pour desservir l’Exposition. Celle – ci laisse enfin à Paris trois nouvelles gares : la petite gare des Invalides, que Juste Lisch fait la plus discrète possible, sur l’un des côtés de l’esplanade, la gare de Lyon, entièrement reconstruite par Marius Toudoire, qui la dote d’un beffroi visible depuis la place de la Bastille, et, enfin, la gare d’Orsay, l’un des symboles de cette époque où le clacissisme s’est allié à l’industrie en conservant sa préséance. L’architecture s’industrialise et s’inspire des grands édifices utilitaires, mais l’architecture industrielle ne renoncera pas à acquérir la noblesse et surtout dans Paris, la légitimité d’œuvre urbaine. Pour la première fois, il est vrai, le chemin de fer pénètre au cœur monumental de Paris et Victor Laloux projette à cet effet un palais digne de son site en bord de Seine, abritant une gare encaissée, électrifiée, la plus moderne de son temps avant Grand Central Station à New York (1913) qu’elle a en partie inspiré.

 

Ni le béton, ni même l’ascenseur, qui contribue déjà à faire de Manhattan le phénomène urbain le plus emblématique du XX eme siècle, ne semblent devoir métamorphoser le Paris de 1900. Ils œuvrent seulement à son évolution, intérieure notamment : en inversant la hiérarchie sociale au sein de l’immeuble – les étages supérieurs sont désormais les plus recherchés - l’ascenseur en bouleverse le fonctionnement, mais sa répercussion sur l’enveloppe reste modeste. Elle se traduit par une plus grande attention portée aux combles, mais qui n’est pas nouvelle : c’est l’ordonnance de 1884 puis le règlement de voirie de 1902, qui ont essentiellement contribué à faire du sommet de l’immeuble un projet quasiment indépendant.

 

Un fait pourrait caractériser ce mouvement, le retour des architectes, retour qu’implorait déjà Viollet le Duc dans une critique non voilée de l’haussmanissme : «  Que par mesure de police, une édilité intervienne pour empêcher que des maisons ne dépassent une certaine hauteur, ou que leurs saillies empiètent sur la voie publique, cela est raisonnable ; mais qu’elle emploie son autorité à faire adopter par vingt architectes, dans vingt maisons, le même profil de corniche ou la même fenêtre, ou les mêmes hauteurs de bandeaux, sous prétexte se symétrie, quand chacune de ces maisons est différemment distribuée, cela ne peut guère se justifier »

 

(Viollet le Duc, Entretiens Sur l’Architecture, 10 eme entretien, Paris, A. Morel et Cie, 1863 – 1872, p 478).

 

La diversité des contributions qui enrichissent l’architecture parisienne entre 1890 et 1914 est en effet telle qu’elle mérite d’être vue comme un phénomène global. Moins qu’une querelle de styles, c’est un débat professionnel qui se joue dans les rues de Paris, qui consiste notamment à savoir si les architectes sont, ou non, toujours les acteurs de la ville. Le central téléphonique Gutenberg de la rue du Louvre (Paris Ier 1891), signé Jean Marie Boussard, comme du même auteur les immeubles des 17 rue des Bernardins (Veme 1890) puis 76 – 78 avenue Mozart (XVI eme 1911), qui chacun tranche de manière délibérée avec son environnement, sont à lire en premier lieu comme des manifestes jetés dans la ville haussmannienne. Et ceux – ci prolifèreront à tel point que les amoureux du vieux Paris regretteront les austérités du baron et des ses prédécesseurs. Le désir de pittoresque aurait ainsi abouti à cette nouvelle figure de l’excès : le Paris de 1900 est une accumulation de nouveaux monuments.

 

(Simon Texier, Paris grammaire de l’architecture XX eme XXI eme siècles, Parigramme, 2009)

 

 

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  • Blog traitant de l'architecture parisienne à la fin du XIX eme siècle et au début du XX eme et du processus de monumentalisation de l'espace architectonique parisien. ( Relié au blog : Cariatides.canalblog.com)
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